L’odyssée des étoiles, Kim Bo-Young

L'odyssée des étoiles, Kim Bo-Young

Collage hasardeux de trois textes de Kim Bo-Young, L’Odyssée des étoiles nous conte une humanité en éternel retour vers la planète qui l’a vue naître. Un livre contemplatif et beau qui nous emmène à travers l’espace à la recherche du temps perdu…

Deux fiancés partent chacun de leur côté pour un long voyage vers la Terre afin de se retrouver et de se marier. Mais l’univers et vaste, les contretemps s’accumulent, et les voilà partis pour une odyssée à travers le temps. Ils s’écrivent mais leurs lettres se perdent. Ils se manquent de peu sur une planète qui vieillit plus vite qu’eux.

Un collage hasardeux

L'odyssée des étoiles, Kim bo-young

Je dois d’abord dire la vérité : j’ai été attiré par cette promesse d’histoire d’amour à travers le temps et l’espace. Et pour les deux premières parties, la promesse est tenue. Mais il faut tout d’abord parler de la construction de ce livre.

Ces textes de Kim Bo-Young sont parus en Corée en trois volumes. Les deux premiers sont la correspondances de ces deux amants qui se cherchent et se manquent à travers le temps. La troisième, l’histoire de « leur fils » selon la quatrième de couverture (je fais confiance mais j’ai manqué cette information à la lecture). En tout cas : un voyageur temporel. Chaque chapitre de cette partie sont une de ses aventures. Des nouvelles.

Attention, le tout est de qualité, j’ai été enchanté par cet univers. Mais le collage de ces trois ouvrages n’est pas naturel. S’il y a une parenté sur le fond (on y viendra), la forme diffère trop pour que ces trois parties soient présentées comme une unité cohérente.

Amour intemporel

Les deux premières parties sont des lettres. Des lettres envoyées à travers le cosmos par ces deux amants qui se narrent leurs déconvenues. Leurs petits retards, puis de plus en plus gros. Ils se manquent, se croisent, se frôlent parfois, mais ne se rencontrent pas. Pendant ce temps, la Terre vieillit, l’humanité s’entretue, des civilisations s’effondrent. Mais leur amour est éternel.

Il y a une certaine poésie, à regarder en focus ces deux personnages s’aimer de loin pendant qu’en fond l’existence de leur planète défile en accéléré. Peu à peu, si le sort de la Terre les touche, rien n’est plus important que de se retrouver tous les deux. Accomplir cette promesse. Quel qu’en soit le prix.

Plus on avance, plus le rapport au temps est abstrait, lointain. La mémoire devient dispensable, ou un fardeau trop lourd. Il est en effet pesant de se souvenir de tout ce qu’on laisse derrière, de manière définitive. Mais la douceur l’emporte. Malgré les épreuves, l’espoir de retrouver l’autre est plus fort que le désespoir et la résignation.

Vers l’infini ?

Dans la troisième partie, on suit Seongha, voyageur temporel. Son odyssée : aller vers la fin de l’univers. Mais l’univers est-il fini ? Est-il si facile de passer le point de non-retour ?

En chemin, il croise une cartographe qui lui expose ses théories sur la fin de l’univers. Est-il fini ? Est-il une boucle éternelle ? Il fera aussi une halte sur la Terre, où l’humanité revenue à un âge primitif se construits autour de mythes – dont il semble faire partie. Enfin il arrive sur une station spatiale habitée de deux humains avec qui il envisage un temps d’accomplir l’ultime voyage.

Vers l’infini, ou l’abstraction ? Plus on avance dans cette troisième partie plus on progresse vers l’abstraction. Temps, mémoire, vie, morale, plus Seongha avance dans son voyage plus les réalités matérielles et morales s’éloignent. En effet, vers l’infini, quel est le cadre ? Où s’arrête l’humanité ? Quelles sont les limites ? Sans le cadre terrestre, sans le cadre temporel qui l’a vue naître, Seongha se rend compte que l’humanité est une notion très floue.

Éternel retour

Au fond, ce dont parle ces deux textes, c’est du rapport profond que l’humanité entretient avec la Terre. Sa maison. Malgré les déconvenues, les deux amants n’envisagent pas de se retrouver autre part que sur Terre pour se marier. De son côté Seongha passe son temps à croiser des voyageurs perdus pour qui le retour est le seul but possible.

C’est la question que pose ce livre. L’humanité est-elle capable d’envisager un voyage sans retour vers le cosmos ? De quitter à jamais notre maison ? L’humanité est-elle humanité sans la planète qui l’a vue naître ? Avec douceur et introspection, Kim Bo-Young nous pose la question : à quel point tenons-nous à cette planète que nous brûlons ?

Bonne lecture,

Viktor Salamandre

L’Odyssée des étoiles, Kim Bo-Young, éditions Rivages, 22€

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