Portrait d’une femme restée dans l’ombre des hommes et de l’Histoire, Himilce, nouveau roman d’Emmanuel Chastellière, bouleverse. Entre intrigues de palais, complots et conquêtes sanglantes, on y suit le destin méconnu de l’épouse du général Hannibal Barca, sa soif de paix et de liberté dans une société entièrement mue par la guerre.
Portrait de femme(s)
Pour sceller une précieuse alliance avec Carthage, le père d’Himilce offre la main de sa fille au général Hannibal Barca. La guerre gronde entre Rome et Carthage qui se battent pour la domination de la Méditerranée. Hannibal, en route pour envahir l’Italie et faire tomber Rome, laisse sa nouvelle épouse à Carthage. Himilce, reléguée au rôle de femme dévouée, doit tout apprendre d’une langue et d’une culture qu’elle ne maîtrise pas.
Ce roman mets un peu les hommes de côté. En effet, Emmanuel Chastellière choisit de se pencher sur celles qui sont restées derrière. Himilce, la jeune épouse envoyée à Carthage, Muttunbaal, puissante soeur du général, Batshillem, la sévère matriarche. Mais dans la puissante famille Barca, Himilce est un simple instrument de pouvoir aux mains de sa belle famille. En effet, exhibée, manipulée, c’est sur elle que pèse la lourde promesse d’un héritier.
Heureusement, elle peut compter sur des alliées : Sophonibaal, cousine d’Hannibal, et Sabratha, une mystérieuse prêtresse. Cette sororité dépasse les classes. Et alors que son autonomie est constamment remise en question par sa nouvelle famille, cette sororité lui permet de se libérer de ces injonctions et commencer à faire ses propres choix. Mais est-il possible pour une femme de tracer son propre chemin sans être rattrapée par l’ombre d’un homme ?
Guerre et virilité
En fait, on croise peu d’hommes dans le roman. Un peintre machiste et arrogant, un vieux sénateur rêvant de faire tomber la famille Barca, un mystérieux notable aux allures d’escroc qui rôdent dans les rues de Carthage… De fait, le seul homme à qui le roman donne une véritable dimension est Aspar, garde du corps d’Himilce désigné par Hannibal lui-même. C’est à travers lui que se pose concrètement la question : peut-on être un homme si l’on n’est pas un guerrier ? Le courage existe-t-il en dehors de la bataille ? La virilité existe-t-elle en dehors de la violence ?
Car la guerre est un culte à Carthage. Il se murmure que la ville n’existe que pour ça. Pour les conquêtes, les campagnes, les massacres. Hannibal lui-même a hérité d’une quête qui a coûté la mort à son père : le rêve de la conquête de Rome. Sans autre but que la domination. Un culte viriliste de la puissance qui se pratique au prix du sang. Et pas seulement du sang de ses ennemis, mais aussi de ses enfants, nés pour faire la guerre et mourir pour la gloire de Carthage.
Si la famille Barca est, en l’absence des hommes, un matriarcat, la société carthaginoise est, elle, bien un patriarcat. Le dernier mot sera toujours celui d’un homme puissant, qu’il soit sénateur, notable ou général. Et si, dans cet espace verrouillé, Himilce parvenait à faire bouger les chose et oeuvrer pour la paix ? Peut-elle briser le cycle infini de la violence et apporter paix et justice à un peuple sans voix ?
Un incroyable destin de femme
Ce roman, on ne le lâche pas. La plume d’Emmanuel Chastellière nous fait voyager. Nul besoin d’imaginer Carthage : elle se dresse autour de nous, magnifique, colorée, immense. On est tout de suite embarqué, non seulement par le souffle de l’Histoire, mais surtout par le personnage d’Himilce, son courage, ses doutes, sa soif de liberté. C’est un incroyable destin de femme qui nous est conté, parsemé d’embûches, de complots et d’intrigues de palais. Un destin où rivalités et violence ne parviendront cependant pas à vaincre amour et sororité.
Bonne lecture,
Viktor Salamandre
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